L'ouvrier

L'ouvrier

'Vous souvient-il, Messieurs, d'une admirable page du P. Gratry (vous ne me reprocherez pas de le citer encore) :

« Cet ouvrier qui travaillait le fer, et qui était regardé par les anges au moment où, forgeant une barre, il pensait en lui-même à la forger solide, travaillant avec joie pour les frères inconnus qui devaient s'en servir… »

« Et voici que les anges le virent s'arrêter tout à coup, et puis, aussi fier et habile que scrupuleux et juste, recommencer son travail en se disant : « Œuvre mal faite peut entraîner mort d'homme. »

La barre avait une paille, et l'homme la rétablit plus solide que les autres ; et les anges virent, qu'employée par les architectes, elle entra dans la charpente d'un pont, et ils virent, peu de jours après, le pont toucher à sa rupture, mais ne pas rompre ; et leurs yeux pénétrants aperçurent clairement que la barre, si elle n'avait pas été refaite, aurait cédé et entraîné le tout, et six cents hommes étaient écrasés et noyés.

Et l'homme ne sut jamais qu'entre ses mains « œuvre bien faite » avait sauvé la vie à six cents hommes. Mais les anges le lui dirent, lorsque, après sa généreuse vie, pendant que ses enfants pleuraient et l'ensevelissaient, ils le reçurent au Ciel. »

Jeunes élèves, quelque rôle que vous ayez à remplir dans le monde, travaillant obscurément pour des frères inconnus ou occupant quelque grand emploi où l'influence exercée soit visible, vous vous souviendrez que toujours « œuvre bien faite » est œuvre de salut.'

(Citation du Père Gratry par Léon Ollé-Laprune, La recherche des questions pressantes, Discours aux étudiants du Collège Stanislas, Paris, 1 août 1893, in La Vitalité Chrétienne, Perrin et cie, Paris, 1914, p. 198-206 à p. 205-206)